Pharmacologie du Cannabidiol : Points de vigilance, conséquences et risques chez l’homme, Joëlle Micallef et al., 2021.

Pharmacologie du Cannabidiol : Points de vigilance, conséquences et risques chez l’homme

Note rédigée par l’Association Française des centres d’Addictovigilance : Pr Joëlle MICALLEF, Dr Anne BATISSE, Dr Bruno REVOL, décembre 2021

Thérapies, 2022, 77, (5), 585-590.

Doi : 10.1016/j.therap.2022.02.001

 

Contexte

Le Cannabidiol (CBD) est l’un des principaux phytocannabinoïdes présent dans Cannabis sativa, avec le THC. A ce jour, un seul produit contenant uniquement du CBD (nom de ce médicament Epidyolex®) est disponible sur le marché français, son Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) lui conférant une indication médicale en association au clobazam dans le traitement des crises d’épilepsie associées au syndrome de Lennox-Gastaut ou au syndrome de Dravet, chez les patients de 2 ans et plus Lien HAS.

Cette note s’inscrit dans la continuité d’un point déjà effectué par l’Association Française des Centres d’Addictovigilance en janvier 2020 Lien Addictovigilance. Le CBD présente, en effet, des effets très variés, qu’il est utile de caractériser d’un point de vue pharmacologique pour mieux en préciser les conséquences individuelles et également sur la santé publique.

Cette note a pour objectifs d’actualiser et de synthétiser les connaissances scientifiques sur le CBD dans un contexte à la fois :

– de large diffusion touchant un public très large incluant des populations vulnérables (sujets âgés et également sujets jeunes mineurs)

– et également de communication approximative sur des produits vendus comme contenant du CBD, sans répondre aux standards de qualité et de sécurité exigés pour les médicaments.

 

Cibles pharmacologiques du CBD

Les cibles pharmacologiques du cannabidiol sont multiples. Le CBD est pourvu d’une très faible affinité pour le récepteur CB1 (CB1 Ki (nm) = 4350) ce qui explique que ce n’est pas « un cannabis mimétique » et qu’il ne présente pas les effets psychoactifs du THC. Le CBD a une action pleïotropique notamment sur les récepteurs à la sérotonine (5HT1A), sur les récepteurs à la dopamine D2, sur les récepteurs GABA, sur le canal TRP ou transient receptor potential, ainsi que sur les systèmes glutamatergiques ce qui pourraient expliquer certains effets neurologiques et psychoactifs (sédation, somnolence, effet anticonvulsivant). A ce titre, son action au niveau du cerveau (via ces récepteurs cérébraux) en fait un produit psychoactif à part entière.

La cartographie de ses cibles moléculaires et de leurs conséquences cliniques font encore l’objet d’une abondante recherche scientifique, prérequis indispensable afin de cerner les potentielles pistes thérapeutiques de cette molécule. A titre indicatif, le nombre de publications scientifiques sur le CBD a plus que doublé, passant de 1 652 articles scientifiques à plus de 4 300 articles en 4 ans (entre 2017 et 2021) Lien Pubmed. Encore récemment, un article (Sark et al, 2020) suggérait que le CBD aurait un effet sur le récepteur dopaminergique de type D3 alors que jusqu’à présent seul son profil agoniste partiel sur le récepteur dopaminergique de type D2 avait été mis en évidence (Seeman, 2016).

A ce jour, hormis pour l’Epidyolex® qui a une AMM pour le traitement des crises convulsives de formes rares d’épilepsie, il n’y a pas d’autres données scientifiques probantes pour un bénéfice thérapeutique du CBD sur d’autres critères. Ainsi, toutes autres allégations thérapeutiques prêtées au CBD ne sont que spéculatives et ne peuvent être actuellement prises en compte, ce d’autant qu’un rapport bénéfice / risque favorable devrait être établi.

De la même façon, des travaux sont encore nécessaires pour caractériser complètement le profil de sécurité et d’innocuité du CBD lors de prises répétées et/ou prolongées chez l’homme (y compris sur son potentiel d’abus, cf. infra).

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