Interview avec Yann Bisiou : l’amende cannabis effective mais pour l’instant pas applicable
En janvier, l’Assemblée Nationale approuvait le projet de loi de réforme de la justice dont l’article 58 consacre la contraventionalisation du délit d’usage de stupéfiants. L’ensemble du projet a toutefois fait l’objet d’une saisine du Conseil Constitutionnel par des parlementaires, suspendant alors la promulgation de la loi. Le Conseil a rendu son avis la semaine dernière en rejetant tous les griefs opposés à l’article 58. En d’autres termes, ça y est, « l’amende Poulliat » (du nom de son créateur) est effective. Nous avons demandé son avis à Yann Bisiou, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles et spécialiste du droit de la drogue.
N’y a-t-il plus aucun moyen d’empêcher la promulgation de l’article 58 ?
« En effet. La loi a été promulguée au Journal Officiel du 24 mars, il n’est plus possible d’empêcher cette promulgation. En revanche, certains recours restent en théorie possibles, de nouveau devant le Conseil constitutionnel par le biais d’une « Question Prioritaire de Constitutionnalité » ou devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme. En réalité, ces recours me paraissent assez illusoires. »
L’amende est-elle applicable dès aujourd’hui ?
« Oui, du moins en théorie. La loi entre en vigueur le lendemain de sa publication (article 1er du Code civil), donc dès le 25 mars. L’entrée en vigueur peut-être repoussée lorsque des décrets d’application sont nécessaires, mais ce n’est pas le cas ici car le législateur ne fait qu’ajouter de nouvelles amendes délictuelles à une procédure qui existe déjà depuis plusieurs années. Il y a toutefois deux obstacles qui, à mon sens, devraient repousser l’application concrète de la loi. »
Est-ce que cela peut être plus avantageux de refuser de payer l’amender et de passer au tribunal ?
https://t.co/aAAtYxVb10 Cannabis c’est fait la décision politique catastrophique de l’amende de 200 € est validée. (L’UFCM conseille à tout ses adherents qui utilisent le cannabis de ne pas payer cette amende et de passer au tribunal pour essayer d’avoir une vraie justice) pic.twitter.com/2aLWX0mNkY
— UFCM-I Care (@BertrandRambaud) March 23, 2019
Dans le cas d’un refus de payer, que se passe-t-il ?
« Le consommateur a 45 jours pour payer, ensuite l’amende passe à 800€. »
Dans le cas d’une réclamation comment prouver un non-usage ?
Est ce qu’un consommateur de CBD peut-être condamné pour usage de stupéfiants ?
Votre avis personnel sur l’avis du Conseil Constitutionnel ?
« La Haute Assemblée ne se grandit pas. On dirait Ponce Pilate. Le Conseil Constitutionnel a pris soin de ne pas se prononcer sur l’infraction d’usage de stupéfiants en elle-même, se limitant à en commenter la répression par la procédure d’amende forfaitaire. Pourtant c’est bien le principe même de la prohibition de l’usage de stupéfiants qui pose un problème constitutionnel. D’autres juges constitutionnels, en Géorgie, en Afrique du Sud, au Mexique, ont été plus courageux. Pour le pays des Droits de l’Homme ce n’est pas glorieux. »