Le système endocannabinoïde central
Laurent Venance, Raphael Maldonado, Olivier Manzoni
SYNTHÈSE REVUES MEDECINE/SCIENCES, 2004 ; 20, 1, 45-53
URI: http://id.erudit.org/iderudit/007520ar
DOI: 10.7202/007520ar
Au milieu du XIXe siècle, les chimistes recherchant le principe actif de la plante Cannabis sativa explorèrent, par analogie avec d’autres phytocomposés psychoactifs identifiés (morphine et cocaïne), la piste d’un alcaloïde.
Celle-ci égara les recherches pendant plus de 100ans, puisqu’il faut attendre 1964 et les travaux du groupe de Raphael Mechoulam pour obtenir la purification et l’identification du principe actif du cannabis: le Δ9-tétrahydrocannabinol (Δ9-THC), qui s’avéra finalement être un terpénoïde (Figure 1). La chimie des cannabinoïdes (CB) connut un fulgurant essor tandis que, paradoxalement, leurs mécanismes d’actions moléculaires demeuraient flous. En effet, le Δ9-THC était supposé appartenir au groupe des lipides bioactifs, et donc avoir des mécanismes d’action comparables à ceux des anesthésiques et solvants, c’est-à-dire indépendants d’une liaison à un récepteur. Or, la stéréospécificité de l’action du Δ9(-)-THC fut mise en évidence, favorisant l’hypothèse de l’existence d’un récepteur pouvant lier ces molécules psychoactives. En 1990, le premier récepteur des CB (CB1) fut cloné dans le système nerveux central (SNC) [1], ouvrant la voie à la recherche d’un système endocannabinoïde (endoCB). En effet, s’il existait un récepteur d’un composé exogène d’origine végétale (Δ9- THC), une ou des molécules endogènes agonistes de ce récepteur existaient probablement (de manière similaire
Le système dit «endocannabinoïde» pourrait tout à fait être dénommé autrement, tant il apparaît plus large et plus complexe que celui finalement relativement restreint des cannabinoïdes exogènes. Jusqu’à ce jour, les études sur les cannabinoïdes, puis sur les endocannabinoïdes, vont de rebondissements en remise en cause de concepts établis. Ainsi, on attendait un alcaloïde comme principe actif du cannabis, pour finalement identifier un terpénoïde (Δ9-tétrahydrocannabinol).
Étant donné sa nature chimique, ce dernier devait théoriquement agir de manière indépendante de tout récepteur; or, deux récepteurs ont déjà été clonés (CB1 et CB2) et l’existence d’autres récepteurs est très probable. La recherche des ligands endogènes a réservé une surprise de taille aux scientifiques: ce sont des composés lipidiques (cinq ont été identifiés à ce jour); à peine deux d’entre eux avaient-ils été classés comme des neurotransmetteurs à part entière que leur capacité d’agir comme des messagers neuronaux rétrogrades a été mise en évidence.
Enfin, les endocannabinoïdes activent des récepteurs, tels que les vanilloïdes, appartenant à d’autres familles, et peuvent donc moduler de manière extrêmement fine de multiples voies de transduction du signal et de l’information, étendant des perspectives thérapeutiques déjà très prometteuses.
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2004-SYSTEME-ENDOCANNABINOIDE