Après la crise du Covid-19 il faut légaliser le cannabis, vite !
François-Michel LAMBERT député des Bouches du Rhône
En juin 2019 avec une vingtaine de députés nous déposions une proposition de loi, relative « à la légalisation contrôlée de la production, de la vente et de la consommation de cannabis ».
La même semaine le « conseil d’analyse économique », think tank rattaché à Matignon, préconisait dans un rapport très documenté la légalisation du cannabis récréatif et une tribune dans l’Obs signée par 70 médecins, économistes et élus nationaux et locaux, plaidait pour cette légalisation.
Ces initiatives pour la légalisation du cannabis dénoncent les effets contreproductifs de la politique prohibitionniste mise en place avec la loi de 1970 mais s’attachent surtout aux avantages de cette légalisation.
L’argument économique revient en force à l’heure où nous cherchons des milliards d’euros pour faire face à la crise sanitaire, économique et sociale provoquée par le Covid-19. La légalisation permettrait en effet de faire rentrer chaque année dans les caisses de l’Etat entre 2 et 2.8 milliards d’euros et elle créerait entre 30 à 80000 emplois, notamment dans le secteur agricole.
L’argument sécuritaire qui démontre que la légalisation permettrait de soulager les forces de police de plus de 120000 interpellations par an pour simple usage et de plus d’un million d’heures de travail des forces de l’ordre (rapport CAE) est largement partagé. N’oublions pas que le coût de la répression par l’appareil policier et judiciaire est estimé entre 550 et 700 millions d’euros par an.
L’argument sanitaire qui place la protection de la jeunesse au coeur des politiques de prévention est tout aussi pertinent. Légaliser c’est maitriser la distribution du produit, sa composition tout en permettant de développer des vraies politiques de santé publique, de prévention et d’accompagnement à destination des usagers.
L’argument social enfin ou sociétal qui consiste à cesser de faire de la consommation de cannabis un problème judiciaire et un problème médical sans voir la banalisation du produit, la diversité de ses consommateurs, son ancrage dans la société et ses multiples usages. Il s’agit également d’être à l’écoute des évolutions des politiques publiques sur le sujet en s’inspirant des expériences conduites à travers le monde.
Autant d’avantages réels que le gouvernement réfute hypocritement, préférant rester figé dans un système prohibitionniste particulièrement archaïque, qui s’est avéré incapable de protéger notre jeunesse et qui va l’encontre de l’approche pragmatique développée dans de nombreux pays. Faut-il rappeler que tout récemment, Israël, sur proposition de Benjamin Nétanyahou qui n’est pas réputé comme un laxiste, s’apprête à « importer » le modèle canadien de la légalisation récréative ?
Un an a passé depuis nos proposition de légalisation et la crise du COVID 19 a posé la question de la gestion de cette dépendance en période de confinement.
Une enquête inédite CANNAVID pilotée par les associations marseillaises Bus 31/32 et Plus Belle La Nuit, en partenariat avec l’Inserm lancée fin avril s’est intéressée aux conséquences du confinement sur les usages, les pratiques et la santé des consommateurs réguliers de cannabis.
Les résultats indiquent une augmentation sensible de la consommation avec des motivations très largement thérapeutiques ou d’automédication liée au stress, aux insomnies, à la douleur. Pour beaucoup le confinement est resté une douloureuse épreuve que le cannabis est parvenu à soulager.
Les services de police soulignent que la logistique des trafics s’est réinventée pour faire face à la crise. Ni la prohibition, ni le confinement n’ont eu d’effet sur la consommation. Demain la logistique des trafics s’organisera aussi en fonction des nouvelles frontières de la légalisation. On fera du marché noir en France tandis qu’on pourra aller s’approvisionner sans contrainte au Luxembourg qui va devenir le premier pays européen à légaliser la culture, le commerce et la consommation du cannabis à usage récréatif. L’absurdité de notre système est avérée.
La légalisation du cannabis à échéance 2021 contribuerait donc à sécuriser l’ensemble de la population sur un plan sanitaire et les consommateurs en premier.
Mais avant de légaliser il s’agit très vite de dépénaliser l’usage tout en permettant un réel débat public. Dépénaliser comme l’ont fait la plupart de nos voisins européens serait sans doute un signe fort et responsable vis-à-vis des millions de français qui consomment et en ont assez qu’on ne considère que comme des malades ou des délinquants.
Signataires :
François-Michel LAMBERT député des Bouches du Rhône