Décret no 2020-1230 du 7 octobre 2020 relatif à l’expérimentation de l’usage médical du cannabis NOR : SSAP2021390D
Décrets, arrêtés, circulaires
TEXTES GÉNÉRAUX MINISTÈRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ
JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, le 9 octobre 2020
Publics concernés: professionnels de santé et patients inclus dans l’expérimentation; entreprises ou organismes exploitant un médicament ou un produit; entreprises pharmaceutiques exerçant une activité de distribution en gros de médicaments; Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Objet: modalités de mise en oeuvre de l’expérimentation relative à l’usage médical du cannabis.
Entrée en vigueur: le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication.
Notice: le texte précise les conditions de mise en oeuvre de l’expérimentation relative à l’usage médical du cannabis, notamment les conditions de prise en charge, le nombre de patients concernés, les modalités d’importation, d’approvisionnement, de prescription et de délivrance par les pharmacies hospitalières et d’officine ainsi que les conditions d’information et de suivi des patients et de formation des professionnels de santé.
Références: le décret est pris en application de l’article 43 de la loi no 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020. Il peut être consulté sur le site Légifrance (https://www.legifrance. gouv.fr).
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des solidarités et de la santé, Vu la Constitution, notamment son article 37-1; Vu la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, telle que modifiée par le Protocole de 1972 portant amendement de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961;
Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données;
Vu le code de la santé publique, notamment ses articles L. 5132-8 et R. 5132-86;
Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés;
Vu la loi no 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, notamment son article 43;
Le Conseil d’Etat (section sociale) entendu,
Décrète:
Art. 1er. – I. – A titre expérimental est autorisée, dans les conditions fixées au présent décret, pour une durée de deux ans à compter de la prescription au premier patient et au plus tard à compter du 31 mars 2021, une expérimentation relative à l’usage médical du cannabis sous la forme de médicaments.
II. – Les produits utilisés pendant l’expérimentation sont soumis au régime des médicaments stupéfiants prévu aux articles R. 5132-27 à R. 5132-38 du code de la santé publique. Ils répondent aux référentiels pharmaceutiques en vue de garantir leur qualité, leur sécurité et leur usage thérapeutique. A ce titre, ils sont fabriqués dans le respect des bonnes pratiques de fabrication prévues à l’article L. 5121-5 du même code ou de tout référentiel équivalent reconnu au niveau international. Les caractéristiques, la composition, la forme pharmaceutique et les spécifications techniques des médicaments à base de cannabis utilisés pendant l’expérimentation sont définies par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
III. – L’usage médical du cannabis est autorisé, dans le strict cadre de l’expérimentation, pour certaines indications thérapeutiques ou situations cliniques réfractaires aux traitements indiqués et accessibles, dont la liste est limitativement fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
IV. – L’expérimentation de l’usage médical du cannabis porte sur un nombre maximal de 3 000 patients traités et suivis, répartis en fonction de chacune des indications thérapeutiques ou situations cliniques pour lesquelles l’usage médical du cannabis est autorisé. Le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé définit en fonction des besoins médicaux le nombre de patients traités pour chaque indication thérapeutique ou situation clinique retenue pour l’expérimentation.
V. – Par dérogation aux dispositions de l’article R. 5132-86 du code la santé publique, pour la durée de l’expérimentation:
1- Les patients traités et suivis sont autorisés à se procurer et utiliser les médicaments autorisés pour l’expérimentation, à les détenir et à les transporter pour leur traitement personnel;
2- Le cas échéant, en cas d’impossibilité des patients, leurs parents, proches ou soignants sont autorisés à se procurer les médicaments autorisés pour l’expérimentation, à les détenir et à les transporter;
3- Les médecins et les pharmaciens participant à l’expérimentation sont autorisés respectivement à les prescrire et les dispenser, les détenir et les transporter.
VI. – Les médicaments utilisés par les patients inclus dans l’expérimentation sont fournis à titre gratuit par les entreprises participant à l’expérimentation.
VII. – Les patients inclus dans l’expérimentation sont informés sur les précautions particulières d’utilisation des médicaments à base de cannabis, les effets indésirables éventuels, les contre-indications et les effets sur la conduite de véhicules ou l’utilisation de certaines machines au moment de la prescription. Un document écrit rappelant ces informations, dont le contenu est fixé par décision du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, leur est remis au moment de la prescription.
Art. 2. – Par dérogation aux dispositions de l’article R. 5132-86 du code la santé publique et pour la durée de l’expérimentation, sont autorisées les opérations d’importation, de transport, de stockage, de détention, d’offre, portant sur les seuls médicaments utilisés pendant l’expérimentation, lorsque ces opérations sont effectuées par des établissements pharmaceutiques mentionnés à l’article R. 5124-2 du code de la santé publique autorisés à les réaliser conformément à l’autorisation d’ouverture qui leur a été délivrée en application de l’article R. 5124-6 du même code.
Le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé arrête et publie sur le site internet de l’Agence la liste des entreprises, répondant aux conditions de qualité des produits, de sécurisation du circuit du médicament et de définition d’un partenariat entre fournisseurs et établissements pharmaceutiques exploitants prévues par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui sont retenues pour participer à l’expérimentation.
Les modalités spécifiques d’importation, de stockage, de distribution et de contrôle des médicaments utilisés pendant l’expérimentation incluant la traçabilité, le suivi et le retrait éventuels des lots de médicaments sont définies par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Art. 3. – Par dérogation aux dispositions de l’article R. 5132-29 du code de la santé publique, la prescription et la délivrance des médicaments utilisés dans le cadre de l’expérimentation est autorisée dans les conditions prévues au présent article.
I. – Les médicaments utilisés pendant l’expérimentation font l’objet d’une prescription initiale par des médecins volontaires et formés conformément aux dispositions du présent article, exerçant dans des structures de référence prenant en charge les indications thérapeutiques ou situations cliniques réfractaires aux traitements accessibles et retenues pour l’expérimentation. Le renouvellement de cette prescription peut être effectué par tout médecin préalablement formé dans les conditions prévues au présent article.
Les médicaments utilisés dans le cadre de l’expérimentation peuvent être dispensés par les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé et les pharmacies d’officine volontaires pour participer à l’expérimentation.
La liste des structures de référence mentionnée au deuxième alinéa est fixée par décision du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé au regard de leur expertise et des besoins des patients.
II. – Les modalités de participation des médecins et pharmaciens volontaires intervenant dans l’expérimentation sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
III. – Les médecins et les pharmaciens participant à l’expérimentation suivent une formation préalable obligatoire afin de leur permettre d’acquérir les connaissances sur le cannabis à usage médical et les compétences nécessaires respectivement pour prescrire et dispenser les médicaments utilisés pendant l’expérimentation.
La déclinaison des objectifs pédagogiques et les modalités pratiques de la formation ainsi que les conditions techniques à respecter pour l’organisme chargé d’élaborer et de dispenser cette formation sont définies par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Art. 4. – Pour assurer le suivi des patients inclus dans l’expérimentation, et notamment la sécurisation du circuit du médicament, la pharmacovigilance et l’addictovigilance ainsi que le suivi de l’expérimentation à des fins d’études et d’analyses complémentaires, un registre national électronique de suivi est mis en place, dans le respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 susvisée et mis en oeuvre par le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Ce registre est renseigné par les médecins et les pharmaciens participant à l’expérimentation avec le consentement du patient. Une attestation d’inscription au registre est délivrée au patient.
Les modalités et conditions techniques permettant la mise en place et le fonctionnement du registre national électronique sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Art. 5. – Le ministre des solidarités et de la santé est chargé de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait le 7 octobre 2020.
JEAN CASTEX
Par le Premier ministre : Le ministre des solidarités et de la santé, OLIVIER VÉRAN 9 octobre 2020
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