Contre les stupéfiants, Macron prône l’acharnement thérapeutique, Camille Polloni et Ellen Salvi, Mediapart.fr, 19 avril 2021.

Contre les stupéfiants, Macron prône l’acharnement thérapeutique

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– Mediapart.fr

Jadis ouvert à la dépénalisation du cannabis, le chef de l’État se dit aujourd’hui favorable à une politique antidrogues sévère, visant à « harceler les trafiquants et les dealers », mais aussi les usagers. Quitte à s’enfoncer dans une impasse.

Du cannabis saisi et photographié à Marseille lors d'une visite de Gérald Darmanin, le 25 février. © Nicolas Tucat/AFP Du cannabis saisi et photographié à Marseille lors d’une visite de Gérald Darmanin, le 25 février. © Nicolas Tucat/AFP

C’est une profession de foi digne d’un ministre de l’intérieur en exercice, promesses et objectifs chiffrés à l’appui, mais le président de la République en est pour une fois l’auteur. Lundi 19 avril, dans un entretien accordé au Figaro, Emmanuel Macron passe en revue sa politique de sécurité pour se féliciter de ses résultats. Il commente les tendances de la délinquance, détaille les effectifs des forces de l’ordre, fait un détour par le « séparatisme », aborde tour à tour le rôle des polices municipales et le nombre de places de prison.

Le chef de l’État vante aussi longuement l’action gouvernementale « contre les trafics de stupéfiants, qui explosent » et dans lesquels il voit « la matrice économique de la violence dans notre pays ». « Les éradiquer par tous les moyens est devenu la mère des batailles, puisque la drogue innerve certains réseaux séparatistes mais aussi la délinquance du quotidien, y compris dans les petites villes épargnées jusqu’ici, dit-il. Ne laisser aucun répit aux trafiquants de drogue, c’est faire reculer la délinquance partout. »

Un peu plus loin, Emmanuel Macron répète qu’il faut agir « à tous les niveaux : le grand trafic, le petit deal, la consommation ». Il conforte ainsi la position de son ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, qui depuis quelques mois s’est approprié la devise « la drogue, c’est de la merde » (issue d’une campagne antidrogues de 1986) pour justifier le maintien d’une politique de prohibition conduisant à poursuivre les vendeurs et les usagers. En pleine pandémie de Covid-19, l’exécutif choisit d’afficher sa détermination à lutter contre le trafic et la consommation de stupéfiants, quelle que soit la substance, reléguant aux oubliettes l’hypothèse d’une légalisation contrôlée du cannabis qui fait son chemin partout ailleurs.

Y compris en France. Pays particulièrement sévère en Europe, la France est aussi l’un de ceux où l’on consomme le plus de cannabis : 1,5 million de Français en font un usage régulier, 900 000 un usage quotidien. Pour les spécialistes du sujet, c’est le signe de l’inefficacité des politiques répressives. Pour les concepteurs de ces politiques répressives, c’est le signe qu’il faudrait aller encore plus loin pour atteindre l’efficacité.

Par le passé, Emmanuel Macron avait pourtant semblé ouvert à la discussion. Dans son livre Révolution, paru en 2016, il se prononçait pour une contraventionnalisation de l’usage de cannabis, c’est-à-dire la transformation de ce délit en simple contravention. En septembre de la même année, dans une émission de France Inter, il affirmait que la légalisation du cannabis avait « une forme d’efficacité » du point de vue de la sécurité. « Le sujet est ouvert et doit être considéré », affirmait-il alors, ajoutant « vouloir aborder » cette question « de manière méthodique, dans les semaines qui viennent ».

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