N° 4173
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 mai 2021.
PROPOSITION DE LOI
relative à la lutte contre le commerce illégal de drogues,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Éric COQUEREL, Jean-Félix ACQUAVIVA, Ugo BERNALICIS, Alexis CORBIÈRE, Elsa FAUCILLON, Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, François-Michel LAMBERT, Jean-Baptiste MOREAU, Danièle OBONO, Matthieu ORPHELIN, Richard RAMOS, Jean-Hugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Bénédicte TAURINE, Michèle VICTORY, Patrick VIGNAL, députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
Cette proposition de loi se donne pour objectif de lutter contre le commerce illégal des drogues en France métropolitaine et dans les territoires des Outre-mer.
I. – Drogues, cannabis : Où en sommes-nous ?
Le terme clinique « drogues » comprend tous les produits psycho-actifs qui ont un effet sur le psychisme. Ainsi, la caféine, l’alcool -première cause de mortalité notamment dans les accidents de la route- et bien sûr le tabac sont des drogues avec une dangerosité addictive réelle. Pourtant, ces produits ont été classifiés comme étant des drogues au statut juridique légal ; ils ne sont pas concernés par la prohibition en France, qui est ici la qualification juridique d’illégalité de vente et de consommation d’autres drogues comme le cannabis, la cocaïne, l’héroïne ou encore l’ecstasy. Les drogues font donc partie de notre société et il est illusoire d’estimer pouvoir les éradiquer qui plus est par la seule répression.
En France, concernant les drogues et leurs trafics, c’est le cannabis qui l’emporte très largement sur le marché malgré la politique de prohibition : la France en est le premier consommateur d’Europe avec 900 000 usagers quotidiens. En 2017, 44,8 % des adultes âgés de 18 à 64 ans ont déclaré avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie contre 42 % en 2014, selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies.
II. – Le commerce illégal de drogues aujourd’hui : un phénomène massif aux conséquences délétères pour les quartiers, leurs habitants, les petites mains du trafic et les usagers
Aujourd’hui en France, 240 000 personnes vivent des trafics de drogues. On estime son chiffre d’affaire à 4 milliards d’euros au niveau national. Ce dernier atteint dans certains départements, comme en Seine-Saint-Denis, des proportions bien plus importantes où l’on estime à 1 milliard d’euros le chiffre d’affaire, soit la moitié du budget départemental. Il s’agit donc d’une économie très importante qui n’a plus rien de souterraine.
La crise du Covid a généré sur ce marché des pressions importantes telles que des difficultés d’approvisionnement depuis le Maghreb avec une chute de l’offre et de la demande, et une augmentation des prix ayant pour conséquence des rivalités extrêmement fortes entre groupes de trafiquants pour la reconquête de territoires. Les trafics de drogues obéissent en effet aux règles du capitalisme le plus sauvage, et de la concurrence la plus guerrière. Dans ces activités, tout est précaire pour les « petites mains » du trafic, y compris la vie. Elles représentent les premières victimes des règlements de compte sur fond de trafics. En 2018, le SIRASCO (Service d’information, de renseignement et d’analyse stratégie sur la criminalité organisée) a recensé 77 règlements de compte faisant 106 victimes, dont 54 décès. En février 2020, c’était presque une victime par jour. La crise du Covid a accru, depuis, ce phénomène. Ceux que l’on appelle « les petites mains », des jeunes souvent mineurs faisant le guet et gérant la vente, sont attirés par « le mythe de l’argent facile ». Ils ne sont évidemment pas recrutés n’importe où, mais bien dans des quartiers où se trouvent des personnes en précarité économique et sociale, et où le décrochage scolaire est important. Ces quartiers sont donc un véritable terreau de main d’oeuvre bon marché prête à s’impliquer dans le trafic de stupéfiants pour des raisons de subsistance socio-économiques.
Mais l’argent en tant que petite main n’a rien de « facile », au contraire. Ces jeunes connaissent en réalité des journées de douze heures de travail par jour, six jours par semaine, pour 50 à 100 euros par jour. Ils sont également les victimes du déterminisme social et du sentiment de l’impossibilité d’avoir accès à un autre cadre de vie, à la fois cernés par le spectre du chômage et des difficultés à s’insérer dans la société. Actuellement dans la République française, la mafia des drogues représente un horizon, en réalité précaire et souvent illusoire, d’emploi et d’ascenseur social.
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