Coronavirus et réduction des risques
Signataires : Taoufik ADOHANE, Anne COPPEL, François-Rodolphe INGOLD, William LOWENSTEIN, Christian SUEUR, Mohamed TOUSSIRT
24 mars 2020
Contact : rodolphe.ingold@gmail.com
Nous connaissons en France la mesure du confinement, mesure extrême, violente, comme une ultime action de lutte contre l’épidémie. Elle apparaît pour beaucoup comme une mesure de bon sens tandis que, dans nombre de pays développés, elle n’a pas été choisie comme stratégie première.
Sans même parler des minorités, des personnes sans abri, des personnes incarcérées et des malades mentaux hospitalisés, elle vient fragiliser l’ensemble de la population par la difficulté soudaine de l’accès aux soins ordinaires, le surgissement des angoisses financières, la distanciation obligée des liens affectifs avec les personnes âgées.
Nous sommes médecins, sociologues, acteurs de terrain et nous avons été, en son temps, les promoteurs de ce qu’on appelle aujourd’hui la « politique de réduction des risques », politique qui a été officialisée dès 1993 par Madame Simone Veil. Il s’agissait, à l’époque, de réduire les risques de contamination par le VIH et les virus de l’hépatite dans les publics concernés par la prise de drogues, la prostitution, la sexualité non protégée. Et cette politique, visant à réduire les risques sanitaires dans les groupes les plus vulnérables, a trouvé à s’appliquer ensuite dans d’autres domaines de la vie sociale.
Et nous entendons aujourd’hui, dans le contexte d’une invraisemblable pénurie de masques et de gel désinfectant, nos responsables politiques ne pas s’intéresser aux mécanismes précis de la transmission de personne à personne du Covid-19.
Pire encore, nous entendons les mêmes qui nous disent que le port du masque doit être réservé aux professions de santé! Nous disant encore, pour justifier leur propos, que le masque chirurgical n’a de raison d’être que pour les malades qui veulent protéger autrui. C’est là ignorer ce que nous dicte la raison. A savoir que, si le port du masque se généralisait, la protection d’autrui bénéficierait automatiquement à tous -ceci sous la forme d’une prévention altruiste.
Au lieu de cela, sans les masques et sans les gants, nous voyons encore nos compatriotes prendre le métro, les trains et les autobus, qui sont manifestement des lieux à risque et qui, sans doute, ont été les sources les plus importantes de la propagation actuelle de la maladie.
Le confinement, s’il se trouve privé des autres moyens de prévention, à commencer par les masques et les gants, sans même parler ici du dépistage ! -totalement déficient en France-, ne pourra s’apparenter qu’à une ligne Maginot sur le front du Covid-19. C’est à dire une mesure qui laissera la porte ouverte au rebond de l’épidémie quand prendra fin le confinement.