Règlementation française du CBD: la cour d’appel d’Aix-en-Provence saisit la CJUE d’une question préjudicielle
Par un arrêt rendu le 23 octobre 2018 dans l’affaire Kanavape (lire notre article Le E-joint peut conduire en prison ), la cour d’appel d’Aix a décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle sur la compatibilité de la réglementation française sur le CBD avec le droit européen,
La cour d’appel rejugeait Sébastien Beguerie et Antonin Cohen les deux marsellais qui, en décembre 2014, avaient lancé le e_joint Kanavape, une e-cigarette respectant le taux maximal autorisé de 0,2 % de tétrahydrocannabinol (THC),
En janvier 2018, le tribunal correctionnel de Marseille avait condamné les deux hommes à dix-huit et quinze mois de prison avec sursis et à une amende de 10 000 euros pour une série d’infractions, notamment à la législation sur le médicament.
Lors de l’audience en appel du 11 septembre dernier, l’avocat général avait requis leur condamnation à quinze mois de prison avec sursis.
Kanavape utilise en effet une huile au CBD fabriquée en République tchèque, et ses deux initiateurs se prévalaient des traités et règlements sur la libre circulation des marchandises au sein de l’Union. L’accusation leur oppose l’arrêté ministériel du 22 août 1990, modifié en 2004, qui instaure des dérogations à l’exploitation du cannabis en autorisant la culture, l’importation, l’utilisation industrielle et commerciale des variétés de Cannabis sativa L. à deux conditions : le respect d’un taux de THC inférieur à 0,2 % et l’utilisation uniquement des fibres et des graines.
La question qui se pose est donc la légalité de l’arrêté du 22 août 1990 en ce qu’il restreint la libre circulation des produits du chanvre au seul commerce des fibres et des graines et non pas aux produits issus de la plante entière », ont estimé les magistrats aixois, s’interrogeant sur la compatibilité de cet arrêté avec le droit européen.
Evoquant « l’engouement récent du CBD », la cour d’appel estime que « rien ne semble permettre de classer le CBD dans la catégorie des stupéfiants exclus de la liste des marchandises soumises au marché commun », dès lors qu’il respecte le taux maximum de THC autorisé. Les juges rappellent qu’en 2017, l’Organisation mondiale de la santé a recommandé de retirer le CBD de la liste des produits dopants.
Il faudra attendre environ deux ans pour que la CJUE se positionne.
En attendant, la Chancellerie s’en tient toujours à sa circulaire très restrictive du 23 juillet 2018 pour réprimer durement la production et la vente de produits dérivés à base de CBD et l’ouverture de boutiques spécialisées (CBD: dépêche de la Direction des affaires criminelles)
(Source: Le Figaro Vapoteuse au chanvre: la cour d’appel saisit la CJUE)
http://www.thierryvallatavocat.com/2018/10/reglementation-francaise-du-cbd-la-cour-d-appel-d-aix-en-provence-saisit-la-cjue-d-une-question-prejudicielle.html
Le blog de Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris