Commentaires (Dr Christian Sueur) sur l’article : The contribution of cannabis use to variation in the incidence of psychotic disorder across Europe (EU-GEI) : a multicentre case-control study
Marta Di Forti, et al., and the EU-GEI WP2 Group*
www.thelancet.com/psychiatry, 2019
“Une nouvelle étude montre que les personnes qui consomment quotidiennement du cannabis fortement dosé en THC pourraient avoir cinq fois plus de risque de faire un épisode de psychose que celles qui n’en ont jamais pris. La consommation quotidienne de variétés fortes de cannabis serait responsable de cinq nouveaux cas de troubles mentaux sur dix, de type psychose, à Amsterdam et de trois sur dix à Londres.
«Super Skunk», «Dutch Nederwiet», les cannabis à haute teneur en THC (bien au-delà de 10%, de tétrahydrocannabinol, principale substance active du cannabis) sont largement disponibles dans ces deux villes où le lien avec un trouble psychotique est le plus fort, selon l’étude.
«Si ces cannabis très puissants n’étaient plus disponibles, 12% des cas d’un premier épisode de psychose pourraient être prévenus en Europe», et cette proportion de cas évités atteindrait «30% à Londres et 50% à Amsterdam», estiment le Dr Marta Di Forti (King’s College de Londres) et ses collègues dans l’article paru mercredi dans la revue médicale The Lancet.”
“Selon l’étude, les personnes qui consomment quotidiennement du cannabis sont trois fois plus susceptibles de recevoir un diagnostic d’un premier épisode de psychose que celles n’en ayant jamais pris. Ce risque est cinq fois plus élevé en cas d’utilisation quotidienne de cannabis à forte concentration.”
cf : http://info.sante.lefigaro.fr/article/cannabis-une-teneur-elevee-en-thc-augmenterait-le-risque-de-troubles-mentaux/?utm_source=AM2&utm_medium=email&utm_campaign=Sante
Il s’agit donc d’une étude qui tend à mettre en lien la consommation quotidienne de THC à forte dose, et la production de troubles psychotique; une de plus… mais qui, a la lecture du texte intégral, “bute” toujours sur l’absence de preuve quant à un lien de causalité prouvé, entre THC et psychose (et là, en l’occurrence, entre l’habitude de fumer du Cannabis à forte teneur en THC, et “l’éclosion” de pathologies psychotiques en surnombre), tant il est vrai que ce genre de statistique épidémiologique, dans une problématique comportant de multiples paramètres, échoue à montrer de façon incontestable, des relations de type causalistes univoques.
cf en particulier : https://www.grecc.org/publications/dossiers-scientifiques/les-meta-analyses-et-le-cannabis-ou-la-negation-du-savoir-clinique-21-sep-2011-dr-christian-sueur/
Comme l’écrit un chercheur anglais spécialiste de la question (Dr Amir Englund, chercheur du King’s College de Londres) : «de telles études ne permettent pas de dire si c’est l’usage fréquent de cannabis fort qui cause la psychose chez ces patients, ni de l’exclure». «Il se peut que le cannabis cause une psychose chez certains, ou que les patients atteints de psychose préfèrent un cannabis plus fort, ou les deux». (…) «Étant donné que la question de la causalité ne sera probablement jamais vraiment prouvée – nous devons assumer le pire et tenter de réduire la consommation fréquente de formes plus fortes de cannabis en particulier chez les personnes vulnérables face à la psychose».
cf : http://info.sante.lefigaro.fr/article/cannabis-une-teneur-elevee-en-thc-augmenterait-le-risque-de-troubles-mentaux/?utm_source=AM2&utm_medium=email&utm_campaign=Sante
Une autre question non traitée, est celle du taux respectif de THC, et celui du CBD dans la marijuana consommée par les sujets étudiés dans cette étude : “Our potency variable does not include the proportion of another important cannabinoid, cannabidiol (CBD), because reliable data on this were available for only England and Holland“
Or, la présence de quantités suffisante de CBD dans la marijuana fortement dosée en THC antagonise cette capacité à provoquer des épisodes psychotiques liée au THC (épisodes psychotiques induits, à la fois par un effet “gachette”, (“trigger”), ainsi que par une potentialisation de cet effet, du fait de caractéristiques “favorables” du système endocannabinoïde “personnel” du sujet considéré, sur un terrain génétique “sensible”)
Sur le même sujet, l’article de Jean Yves NAU dans Le Monde du 20 mars 2019
https://jeanyvesnau.com/2019/03/20/cannabis-en-consommer-tous-les-jours-augmente-le-risque-de-troubles-psychotiques/
avec un commentaire de notre collègue William Lowenstein sur la nécessité de “réguler”, pour “assainir” le marché du cannabis : réguler ? dépénaliser ? ou légaliser, comme au Canada, en mettant en place une régulation d’état sur la production des différents types de marijuana disponibles sur le marché ?
Le débat est ouvert.